La colère gonfle, dans les rues du centre-ville de Saint-Malo : les habitants ne supportent plus les effets pervers d’Airbnb, entre nuisances et difficulté à se loger ou à se garer. Sans compter les hôteliers, soumis à une concurrence clairement déloyale.
En effet, de plus en plus d’investisseurs achètent des logements à Saint-Malo pour les transformer en location Airbnb à l’année. Ils dévoient ainsi la politique de création de nouveaux logements intra-muros lancée par la municipalité, qui devait aider les Malouins à se loger correctement. L’arrivée de la Ligne à Grande Vitesse, en 2017, a mis la ville corsaire à 2h15 de Paris. Entraînant un afflux de touristes. En deux ans, la situation a grandement empiré. Le risque, c’est un destin similaire à celui du Mont-Saint-Michel. Devenir une sorte de parc à touristes, vidé de tout habitant ou presque.
Les hôteliers furent les premiers à monter au créneau. Patrick Jamet, gérant de l’hôtel San Pedro, dénonce ainsi « une concurrence déloyale qui fait du tort à tous les hôteliers. On ne lutte pas à armes égales : on est soumis à un certain nombre de normes réglementaires et fiscales, des contraintes que n’ont pas les loueurs Airbnb ».
Mais les habitants frôlent, eux aussi, le ras-le-bol. « Aujourd’hui, on se retrouve avec des immeubles où la majorité des logements sont du Airbnb », note Florian Bigaud, président de l’association de quartier Intra-Muros. « On a de gros soucis de stationnement dans l’intra-muros et donc de moins en moins d’habitants car lorsqu’on doit tourner durant 1h30 l’été pour se garer près de chez soi, on finit par se poser la question du déménagement » poursuit-il.
Airbnb a même transformé le quotidien de certains habitants en enfer. Depuis qu’un appartement de la maison qu’elle habite est devenu une location Airbnb à temps plein, une habitante subit « le bruit durant la nuit, les draps et bagages déposés sur mon palier, les poubelles laissées par les locataires et que je dois vider moi-même, les gens qui viennent sonner à ma porte… ». Excédée, elle poursuit, à destination de la mairie : « On veut conserver cette vie de village qu’on a toujours eue dans l’intra-muros mais on ne veut pas de la « Mont Saint-Michélisation » de Saint-Malo. Là, ce n’est plus possible, ça devient une réelle souffrance. Le slogan d’Airbnb, c’est « Soyez partout chez vous ». Mais nous, les Malouins, nous ne sommes même plus chez nous aujourd’hui ! ».
La Mairie de Saint-Malo avait pourtant prévu, dès 2018, de mettre en place l’enregistrement obligatoire en mairie pour louer sur Airbnb, suite au classement de la ville en « zone tendue » pour le logement. Mais pour l’heure, ces déclarations n’ont pas été suivies d’effets.