Depuis 2014, le compté de Palm Beach, en Floride, tente de mettre en place des mesures pour réguler l’activité d’Airbnb et s’assurer que toutes les taxes locales sont bien collectées. La plateforme résiste de toutes ses forces, entre lobbying et volonté d’instrumentaliser les loueurs.
Palm Beach est une destination touristique prisée, où le nombre de locations Airbnb croît de manière exponentielle, avec des conséquences néfastes sur le marché immobilier – et un manque à gagner pour les caisses du comté, les loueurs Airbnb ne payant pas, en général, toutes les taxes touristiques locales en place.
La responsable de la collecte des taxes du comté de Palm Beach, Anne Gannon, est montée au créneau dès 2014. Elle a attaqué en justice les plateformes de locations touristiques comme Airbnb, demandant à ce qu’elle soient classées parmi les «concessionnaires» louant des logements en vertu de la législation de la Floride et donc tenues de percevoir les taxes d’occupation pour le compte de leurs hôtes. En janvier 2019, un tribunal lui a donné tort. Mais elle a fait appel de cette décision.
Dès 2015, Airbnb et l’Etat de Floride ont signé un accord stipulant que la plateforme devait collecter elle-même la taxe de vente de 6% pour toutes les locations de l’Etat – taxe qui doit revenir à l’Etat de Floride. En revanche, pour la taxe d’occupation locale de 8%, qui doit revenir aux comtés, Airbnb ne s’est engagé à la collecter que dans certains comptés. Dans d’autres, la plateforme laisse les locataires la régler eux-mêmes. Sans donner plus de précision, et sans rendre public l’accord.
Anne Gannon a voulu consulter ce document. L’Etat de Floride lui a répondu que l’accord était confidentiel. Il a fallu qu’elle attaque le Ministère du Revenu de Floride, alléguant que le secret de l’agence violait la loi sur les archives publiques de l’État, pour finalement recevoir une photocopie de l’accord. Elle a pu le consulter en promettant de ne le montrer à personne. Surprise : cet accord demande à Airbnb de régler une somme globale, pour l’ensemble de ses activités, mais sans fournir à la Floride le détail des locations effectuées et de l’identité des loueurs et des locataires.
Une telle dissimulation empêche de vérifier si la collecte des taxes correspond bien à la réalité des locations effectuées. Elle rend l’activité d’Airbnb dans l’Etat totalement opaque. Ne pas divulguer l’identité des personnes réglant une taxe « est une dérogation flagrante aux pratiques habituelles », déclare Bucks, l’ancien commissaire aux impôts de la Floride.
En conséquence, Anne Gannon a proposé officiellement au comté de Palm Beach de modifier l’ordonnance sur le développement touristique du comté afin d’obliger des plates-formes comme Airbnb à collecter les taxes d’occupation au nom des hôtes et à partager davantage de données avec le comté. Mais, durant la réunion des commissaires du comté qui devait statuer sur cette question, une centaine de loueurs Airbnb se présentent, habillés tout en blanc, distribuant des tacts roses. La plateforme avait envoyé un message alarmiste à tous ses loueurs pour les inciter à manifester contre cette ordonnance. Dans le message, Airbnb utilisait des arguments pour la plupart faux.
Mais Anne Gannon avait intercepté certains mails d’Airbnb et avait préparé une réponse argumentée à toutes les critiques d’Airbnb. Elle décide alors d’ouvrir une fructueuse discussion avec les hôtes en colère. Ils ont alors avoués que, pour la plupart, ils n’avaient pas une vue très claire de ce qu’Airbnb collectait comme taxe et de ce qu’ils devaient collecter eux-mêmes. Certains craignaient même, par ignorance, d’être dans l’illégalité.Tous voulaient sincèrement payer les impôts fixés par l’Etat ou le comté.
«J’ai cette crainte sous-jacente (…) d’enfreindre une loi que je ne connais pas vraiment», a déclaré Ruth Riegelhaupt-Herzig, hôte Airbnb depuis 2015. Elle préférerait ainsi qu’Airbnb collecte directement les taxes, et ne laisse pas les locataires ou les loueurs s’en charger. Mais, pour cela, il faudrait qu’Airbnb se montre coopératif. Ce qui n’est, clairement, pas la politique de la plateforme.