Un éditorial de Steven Poole, pour The Guardian, journal indépendant britannique, défend l’idée que la plateforme Airbnb doit être régulée, car elle cause trop de dommage aux villes.
Il évoque d’abord l’expression «économie de partage», une expression qui semble parfaitement risible devant cet utilisateur d’Airbnb à Barcelone gérant à lui seul un portefeuille de propriétés qui rapportent 33 000 £ (38 000 euros) par jour en haute saison. Dans de plus en plus de villes, les quartiers anciens sont envahis par les touristes à court terme et les magasins de souvenirs. Les loyers des résidents augmentent fortement, à Barcelone, à Berlin, à New York et ailleurs. Steven Poole utilise pour désigner cela une expression imagée : « Airbnb est un monstre parasite qui s’accroupit dans les villes et pompe d’énormes sommes d’argent par le biais de sa trompe visqueuse ».
« Au début de leur croissance rapide, les sociétés d’économie collaborative ont commencé leurs activités partout dans le monde sans se soucier des lois locales, au motif que les réglementations existantes n’avaient pas prévu les nouvelles idées qu’elles incarnaient. Mais la roue a fini par tourner, au fur et à mesure que la rhétorique vertigineuse de la technologie s’estompait : il est désormais évident qu’Uber est en fait une compagnie de taxis et Airbnb une société d’hébergement touristique » poursuit le journaliste.
Il plaide ensuite pour une régulation ferme mais raisonnée : le but n’est pas d’interdire Airbnb, mais de connaître son impact sur la vie locale d’une ville et de le contrôler. Les études indépendantes sur le sujet sont ainsi de plus en plus nombreuses.
Ainsi les universitaires espagnols Albert Arias Sans et Alan Quaglieri ont mis à l’épreuve des faits les affirmations d’Airbnb, qui prétend que son activité «revitalise les quartiers» : les deux chercheurs ont constaté qu’à Barcelone «les quartiers dans lesquels Airbnb est le plus présent sont ceux qui perdent le plus de population». Les résidents sont en effet contraints de quitter leurs logements à cause de la hausse des loyers provoqués par l’explosion de l’offre Airbnb.
De la même façon, une équipe de quatre chercheurs a mené une étude approfondie de l’impact d’Airbnb à Londres en 2016 et a suggéré que tout propriétaire d’immeuble puisse avoir « le droit de s’engager dans une location à court terme pour une période donnée ». Ces droits pourraient être négociés sur un marché géré par le conseil local, qui répartirait les revenus entre les groupes de voisinage, les propriétaires et le conseil lui-même. Le but serait que lcs conseils locaux régulent en temps réel l’activité d’Airbnb, et ne l’autorise que tant qu’elle ne nuit pas à l’immobilier local.
Plus généralement, une limitation de nuits louées par an est une bonne solution, si elle est réellement appliquée et qu’Airbnb joue le jeu. Dans le cas contraire, comme à Barcelone, la répression risque d’être la seule option restante. Steven Poole milite également, comme la chercheuse australienne Laura Crommelin, pour qu’Airbnb cesse de dissimuler des informations aux municipalités, notamment les logements mis à la location, par qui et pour combien de temps.
« Après tout, si l’entreprise a vraiment à cœur d’être «ouverte» et de «partager», qu’a-t-elle à cacher? » ironise l’éditorialiste, qui conclue avec beaucoup de simplicité : « La leçon à tirer est qu’aucune entreprise n’est au-dessus de la loi ».