L’explosion de l’activité Airbnb a profondément transformé les rapports de voisinage en France, notamment dans les villes les plus touristiques. Que faire quand votre voisin transforme son appartement en location touristique, avec toutes les gênes qui en découlent ?
Une étude du Journal du Net explore les recours existant pour faire face à des nuisances. Ces nuisances, c’est la bonne nouvelle, sont désormais reconnues pénalement : « Visiteurs qui font du bruit avec leurs valises dans les couloirs, qui sonnent à toutes les portes parce qu’ils ont reçu de mauvaises indications, qui dégradent les parties communes… Les décisions prises à l’encontre des hôtes dont l’activité est source de troubles pour le voisinage sont de plus en plus strictes. En jurisprudence, la nuisance liée à la location type Airbnb est désormais reconnue » expose Leopold Lemiale, associé au cabinet spécialisé en droit immobilier L2M avocats.
Vérifier que votre voisin qui loue sur Airbnb est dans la légalité
Pour commencer, il est possible que la location Airbnb de votre voisin ne soit pas légale. C’est le cas si elle dépasse les 120 jours de location par an, en particulier dans les villes de plus de 200 000 habitants, en région parisienne et dans les zones touristiques. « Commencez par trouver l’annonce en ligne et faites faire un constat d’huissier. Une capture d’écran faite par vos soins n’a aucune valeur juridique. De plus, si l’hôte se rend compte qu’il est pisté par son voisin, il risque de supprimer l’annonce « expose Xavier Demeuzoy, du cabinet Demeuzoy avocat.
Si vous êtes dans une copropriété, saisissez le conseil syndical. Il enverra un courrier, accompagné des constats d’huissier, demandant au voisin s’il s’agit de sa résidence principale ou secondaire. Puis le dossier sera transmis au service d’urbanisme de la mairie. « L’hôte sera alors convoqué et devra fournir des justificatifs, comme les relevés de location des derniers mois. S’il est en infraction, il sera alors sanctionné « complète Xavier Demeuzoy.
S’il ne répond pas à la convocation, l’infraction sera alors présumée. Dans les deux cas, la case « justice » attend votre voisin : « L’avocat de la mairie fait une assignation devant le tribunal de grande instance en référé, afin que le juge constate l’infraction, mette le propriétaire sous astreinte d’arrêter la location et qu’il le sanctionne. Le montant de l’amende est fixé par le juge et peut atteindre 50 000 euros. La sanction ne sera pas la même pour une résidence principale louée 130 jours au lieu de 120 que pour une résidence secondaire louée 280 jours « précise Xavier Demeuzoy.
Se pencher sur le règlement de la copropriété
Mais même si votre voisin est parfaitement en règle vis-à-vis de la mairie, il se peut qu’il enfreigne le règlement de la copropriété. Il faudra vous pencher notamment sur la destination de l’immeuble. Admet-il des utilisations commerciales, ou pas ? Si votre immeuble comporte des entreprises ou des commerces, impossible d’interdire une location Airbnb. Les activités libérales ne sont cependant pas concernées. Un cabinet médical dans l’immeuble ne signifie donc pas que votre règlement autorise Airbnb.
« En cas d’immeuble dont le règlement de copropriété comporte une clause d’habitation bourgeoise interdisant toute occupation autre que mixte – habitation/profession libérale – la location saisonnière de plus de 4 mois est interdite » note Léopold Lemiale. Si le règlement interdit les pratiques commerciales, saisissez le syndic. Il assignera le fraudeur en justice. Le juge imposera alors la cessation de l’activité de location.
Le trouble anormal de voisinage
Si vous vivez en maison, aucun règlement de copropriété ne vous protégera. Mais le droit commun du trouble de voisinage peut s’appliquer. Il faudra démontrer que les nuisances provoquées par la location Airbnb sortent de l’ordinaire et porte un réel préjudice à votre vie quotidienne. Là encore, constats d’huissier, mais aussi témoignages de tiers seront vos meilleurs alliés.
« Pour obtenir une décision de justice, mieux vaut passer par une action au fond, car le pouvoir du juge est limité en référé. Comptez entre 10 et 14 mois pour obtenir une décision » précise l’avocat. Une démarche longue et couteuse : entre 1 500 et 3 000 euros de frais de justice et d’huissier.
Mais, si le trouble est avéré, les dommages et intérêt peuvent être élevés : « Si on a des enfants en bas âge, perturbés dans leur scolarité, ça peut aller chercher assez loin. Mais le principal est d’obtenir la cessation du trouble. Le juge peut ainsi condamner un propriétaire à régler une somme prédéterminée à chaque fois que la preuve du non-respect des obligations émises dans son jugement lui sera rapportée » conclue Léopold Lemiale.