France Culture a rencontré le chercheur Thomas Aguilera, spécialiste d’Airbnb. Pour lui, notamment dans le cadre des élections municipales, les villes ont un choix à faire : face à Airbnb, faut-il privilégier « des visiteurs qui consomment et repartent ou des habitants qui luttent pour se maintenir dans les centre-ville ? »
Thomas Aguilera est maître de conférence en science politique à Sciences Po Rennes. Il mène actuellement une recherche sur la régulation des locations touristiques courtes en Europe avec Francesca Artioli et Claire Colomb. Pour lui, Paris a été, en France, la première municipalité à vouloir réguler Airbnb, celle qui a poussé le législateur à mettre en place des lois ad hoc, et un modèle pour toutes les villes française qui veulent contrôler l’activité d’Airbnb et ses effets sur les habitants à l’année.
Ainsi, dès 2015, « Anne Hidalgo et son élu au logement Ian Brossat ont politiquement cadré cet enjeu comme une question de logement et de vie dans Paris. (…) Pour dire vite, « l’approche parisienne » consiste à distinguer les locations destinées à arrondir les fins de mois, de celles, commerciales, relevant d’investisseurs qui achètent des appartements en nombre pour les mettre exclusivement sur ces plateformes. Ce qui a rapidement été pointé comme un facteur de concurrence à la résidence permanente et donc de fuite de certains habitants hors de Paris », expose Thomas Aguilera.
La possibilité de rendre l’enregistrement obligatoire pour louer sur Airbnb, ainsi que la limitation à 120 jours de location par an sont des fruits directs du travail de la ville de Paris. Imités d’ailleurs par d’autres territoires face aux mêmes problématiques : « Les grandes villes veulent désormais à peu près toutes limiter la place d’Airbnb. A Bordeaux par exemple, la multiplication des locations touristiques de courte durée qui ont augmenté s’est combiné à l’arrivée du TGV. C’est ce qui a provoqué une réaction de la part des acteurs locaux, métropolitains et municipaux, pour essayer de mettre un frein à une forme de concurrence à la résidence permanente dans des villes, et en particulier dans le centre-ville. C’est le cas aussi à Nice ou Biarritz », expose le chercheur.
Ce qui explique la place centrale d’Airbnb dans la campagne des élections municipales de 2020 dans les grandes villes françaises. Le choix de réguler ou non Airbnb est donc un enjeu politique fort, qui dépend de la vision qu’ont les élus de leur territoire.
« Le tourisme peut bien entendu bénéficier à la restauration, aux infrastructures culturelles et à certains commerces, mais peut aussi provoquer des effets irréparables sur l’environnement, évincer les habitants et, presque paradoxalement, les professionnels du tourisme ! Dans certaines municipalité, les travailleurs saisonniers ne peuvent plus habiter dans les appartements auparavant disponibles en location, ils doivent aller au camping ; et si celui-ci finit par par être vendu, ils ne peuvent plus se loger », détaille Thomas Aguilera.
« Autrement dit, là où Airbnb a créé une pression sur les logements des centre-villes, le tourisme concurrence d’autres flux de personnes et économiques. Il y a toujours des gagnants et des perdants, c’est aux élus d’arbitrer », conclue le chercheur.