C’est un témoignage de première main : le livre Airbnb, la ville ubérisée (Ed. La ville brûle), qui sort aujourd’hui, a été rédigé par Ian Brossat, adjoint PC au logement à la maire de Paris Anne Hidalgo depuis 2013. A ce poste, il s’est retrouvé en première ligne pour constater l’explosion de l’offre Airbnb dans la capitale (entre 2013 et 2016, le nombre de nuités facturées est passé de 4 à 37 millions par an !) et ses conséquences néfastes pour la ville.
L’élu dénonce dans son livre une « économie de la prédation », qui a remplacé progressivement l’économie de partage dont Airbnb se voulait le héraut. En effet, de plus en plus de logements ont été confisqués par des professionnels qui les ont retiré du parc locatif pour les mettre en location sur Airbnb, aggravant la crise du logement à Paris et renforçant la désertification du centre de la ville, vidé de ses habitants, remplacés par des touristes.
Le livre de Ian Brossat raconte également la lutte menée par les équipes municipales pour renverser ce phénomène de ville ubérisée, en multipliant les contrôles et en poussant les législateurs à mettre en place des lois ad hoc pour pouvoir lutter contre cette prédation (loi Allur de 2014 limitant la location sur Airbnb à 120 jours par an, loi permettant de rendre l’enregistrement en mairie obligatoire pour louer sur Airbnb, doublement des amendes forfaitaires pour les loueurs dans l’illégalité…).
Car, dès le départ, la ville de Paris et son adjoint au logement n’ont jamais voulu s’en prendre aux propriétaires qui louaient leur logement sur Airbnb quelques semaines par an, durant leurs absences ou leurs vacances, afin d’arrondir leurs fins de mois : leur cible, ce sont ces propriétaires, souvent multi-propriétaires, qui transforment des appartements, voire des immeubles entiers, en hôtels clandestins – ce sont eux qui font de Paris une « ville ubérisée ».
La Mairie estime ainsi qu’environ 20 000 logements ont été ainsi retiré du parc locatif pour être mis en location sur Airbnb : élu dans le XVIIIe arrondissement, Ian Brossat évoque l’existence à Montmartre d’«immeubles entiers transformés en hôtels clandestins par des multipropriétaires présents sur les plateformes ».
L’élu pense désormais que la bataille décisive aura lieu à Bruxelles, au niveau européen : grâce à un lobbying très efficace, Airbnb a su faire passer des directives protégeant l’activité de la plateforme contre des législations locales trop contraignantes. Ian Brossat espère que les villes d’Europe sauront infléchir la position de la Commission et imposer des règlement permettant de rendre les centre-villes à leurs habitants.
Airbnb, la ville ubérisée : une lecture passionnante, enthousiasmante, réconfortante.