En dix ans, Airbnb, qui était au départ un site proposant à des voyageurs de dormir sur un matelas gonflable dans un salon, est devenu le premier hébergeur mondial, une business story aux multiples zones d’ombre. Car si la formule de l’hébergement chez les particuliers a séduit, au-delà des attentes de ses créateurs, la plateforme s’est dans le même temps professionnalisée, abandonnant progressivement son aspect collaboratif.
Airbnb propose aujourd’hui 4,5 millions de logements, et affiche 100 millions de clients par an – quand les quatre plus grands groupes hôteliers mondiaux cumulent à peine 3,5 millions de chambres ! Par ailleurs, Airbnb, dont les comptes demeurent secret, est assurément l’une des entreprises les plus rentables du monde : selon plusieurs experts du secteur, les commissions perçues sur les loueurs (3%) et sur les touristes (6 à 12%) lui auraient assuré l’an dernier un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars et un résultat opérationnel de 450 millions – un business plan parfait !
Des sommes dont les Etats ne voient que rarement la couleur, Airbnb étant un champion de l’évasion fiscale : la firme n’a payé, en 2016, que 100 000 euros d’impôts en France, la société étant imposé, pour l’Union Européenne, en Irlande, où les taux sont les plus bas.
Par ailleurs, le développement de la plateforme est en train de bouleverser le visage de nombreux quartiers historiques de villes touristiques : les propriétaires de logement préférant louer sur Airbnb, les locaux ne trouvent plus de logements, les loyers explosent, et les quartiers deviennent de véritables usines à touristes, vidés de toute vie propre. Tout cela sans compter les nuisances provoqués par des flots de touristes dans des immeubles conçus pour le logement résidentiel, ou une concurrence déloyale vis-à-vis d’un secteur hôtelier de plus en plus fragilisé : en 2017, en France, 819 hôtels ont fermé.
La plateforme sait aussi jouer d’un lobbying efficace, qui lui conserve une image globalement positive : « Contrairement à d’autres géants du Net qui cherchent à passer en force, ses équipes font preuve d’une grande habileté », note un employé du ministère des Finances.