Le développement d’Airbnb au Japon, pourtant extrêmement prometteur, s’est fracassé sur la nouvelle loi encadrant les minpakus (locations de courtes durées), entrée en vigueur le 15 juin 2018, et qui a provoqué le retrait de 80% des annonces du site ainsi que des annulations en pagaille. Mais, pour qui connaît bien le Japon, cet échec, symptomatique de la méfiance du pays face à la nouvelle économie « collaborative », était prévisible.
Certes, l’onde de choc fut violente pour la plateforme, mais la volonté du gouvernement de protéger les hébergements traditionnels a rencontré l’opinion publique. « Au Japon, les intérêts des secteurs établis de longue date priment » souligne Hiro Kishi, professeur à l’université Keio de Tokyo ; avec cette nouvelle législation, le gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe a voulu défendre les hôtels et ryokan (auberges traditionnelles), qui craignaient pour leur pérennité à deux ans des Jeux Olympiques de Tokyo.
La loi est d’ailleurs soutenue par une majorité de la population japonaise, excessivement méfiante face à l’économie dite collaborative : « L’opinion publique est très remontée contre les prestataires de type Airbnb et Uber. Les Japonais sont très soucieux de leur sphère privée, s’inquiètent pour leur sécurité et se méfient des étrangers parfois bruyants et peu respectueux des règles » note Takashi Sabetto, un spécialiste de cette nouvelle forme d’économie. La population estime que ses hôtels et ses ryokans sont de bonne qualité, et qu’il n’est pas nécessaire de proposer autre chose. Et la perspective de voir des touristes séjourner dans leur immeuble ne réjouit personne au pays du Soleil Levant…
Ce qui explique la réussite de cette nouvelle législation et le coup, très rude, qu’elle a porté à Airbnb, qui ne se relèvera que difficilement d’un tel échec.