Les réseaux de prostitution, en France, ont pris l’habitude d’utiliser des appartements loués sur Airbnb pour fonctionner. Avec des conséquences parfois rudes pour les propriétaires.
L’affaire a fait grand bruit : mi-octobre, une habitante de Saint-Denis a découvert que l’appartement qu’elle louait sur Airbnb avait été utilisé par un réseau de prostitution. Sous-vêtements féminins, préservatifs usagés, serviettes hygiénique, cocaïne : le tableau ressemblait à un mauvais film. Provoquant un puissant traumatisme pour la propriétaire.
Le cas est malheureusement loin d’être isolé. Même si, souvent, les propriétaires ne sont pas au courant de la façon dont a été utilisé leur bien immobilier. D’après le discours officiel d’Airbnb, les cas sont très rares. Dans les faits, c’est un peu différent : « On estime à 30 ou 40 % la part des réseaux de proxénétisme utilisant les locations de courte durée proposées sur Internet par des sites », précise Jean-Marc Droguet, commissaire divisionnaire et chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), à nos collègues du Parisien.
Le choix des appartements Airbnb par les proxénètes répond à plusieurs logiques. Financière d’abord : « Dans Paris intra-muros, les chambres d’hôtel sont souvent très chères et il est plus rentable de louer un appartement à un particulier », précise le commissaire Droguet. Autre raison : la souplesse. « Comme pour le trafic de stupéfiants, il y a des logiques de territoires », résume le substitut du procureur Simon Bénard-Courbon, référent proxénétisme au parquet des mineurs à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.
Les proxénètes installent des prostitués, hommes et / ou femmes, dans un appartement, pendant quelques jours, dans un quartier ou une ville où personne ne les connaît. L’attrait de la nouveauté attire des clients. Puis ces prostitué(e)s sont envoyés dans une autre ville ou un autre quartier. Ce petit manège est monnaie courante.
Et les conséquences, financières ou psychologiques, pour un propriétaire peuvent être très lourdes. Voir son appartement ravagé, assister à une descente de police, retrouver des traces de rixes ou de règlement de comptes… Rien de bien agréable.
Face à ce phénomène, Airbnb se drape toujours dans une position moralement irréprochable, du moins dans le discours : « Nous travaillons étroitement avec les forces de police sur les cas de comportements criminels, et faisons tout notre possible pour les assister dans leurs investigations », précise la plateforme.
Mais dans les faits, Airbnb bannit les voyageurs « indélicats », mais ne dépose jamais plainte contre eux, quoi qu’il arrive. Et la coopération avec la police est théorique : pour obtenir des informations sur un logement suspecté d’héberger des activités illégales, les enquêteurs doivent traduire leurs demandes en anglais et les transmettre au siège d’Airbnb Europe, en Irlande. Et compter sur les accords internationaux pour avoir des informations.
« Les sièges de ces sites sont basés à l’étranger et la commission rogatoire pour récupérer les coordonnées des loueurs proxénètes est du coup rallongée et prend plusieurs semaines », explique, dépité, le patron de l’OCRTEH.