Une vaste enquête du Monde a analysé en juin 2017 un tiers des annonces Airbnb en France. La conclusion est édifiante et inquiétante : les grands gagnants sont les multi-propriétaires et les loueurs à l’année, professionnels souvent déguisés.
Qu’elle est loin, l’image d’un plateforme collaborative, permettant de louer ponctuellement une chambre de son logement !
En effet, il s’avère qu’une annonce sur cinq émane d’un multi-propriétaire, une personne qui met en location plusieurs biens sur Airbnb ; certains ont jusqu’à plusieurs dizaines de logements disponibles sur la plateforme. Mais si l’on se restreint aux propriétaires qui louent plus de 120 jours par an (la durée légale en France), la part de multi-propriétaire dépasse les 35% ; et pour ceux qui louent à l’année, soit plus de 80% du temps, elle approche les 40%. Les multi-propriétaires sont donc surreprésentés dans les loueurs à l’année, dont la professionnalisation ne fait aucun doute.
Concernant les revenus, les hébergeurs qui dépassent la durée légale des 120 jours par an (plus de 1 500 euros par mois) s’approchent du revenu médian français (1 750 euros par mois), mais ceux qui louent à l’année le dépassent largement, avec plus de 2 250 euros par mois. Jackpot pour la location à l’année, souvent le fait de multi-propriétaires.
Pire, seuls 16% des loueurs qui proposent plus de 6 logements assument leur statut de professionnels : les autres prétendent rester des amateurs. Surtout, l’immense majorité des annonces qui dépassent les 120 jours par an n’ont pas l’autorisation légale indispensable à cette pratique.
L’étude cite de nombreux cas concrets d’appartements achetés pour les mettre en location sur Airbnb, ou de bureaux ou commerces transformés en meublés saisonniers : autant de logements retirés du parc locatif des villes. L’investissement est rentable, même quand il est illégal, et les cas se multiplient. D’autant que la large majorité des logements loués de cette façon sont des studios ou des T1, des biens particulièrement recherchés par les jeunes actifs, les étudiants ou les retraités souhaitant rester en centre-ville.
Une étude édifiante, qui prouve que le discours de façade d’Airbnb ne doit pas être pris au sérieux : ceux qui profitent le plus d’Airbnb sont des professionnels, assumés ou déguisés, souvent dans l’illégalité, qui tirent de juteux profits d’une activité qui vide les centre-ville de leurs habitants.