Ayant largement débordé du cadre collaboratif de ses débuts, l’activité d’Airbnb est désormais limitée, contrôlée, régulée dans de nombreuses grandes villes d’Europe. Mais, entre attaques en justice contre ces réglementations et inaction à aider à les appliquer, Airbnb résiste de toutes ses forces.
Le phénomène Airbnb ne cesse de gagner du terrain dans les grandes villes d’Europe : 47 000 logements à Paris, 25 000 à Londres, plus de 10 000 à Berlin, 16 000 à Copenhague, 15 000 à Rome et Amsterdam… Avec les mêmes conséquences : des logements retirés du parc locatif, des loyers qui augmentent, des habitants qui ne trouvent plus où se loger, des quartiers touristiques vidés de leurs habitants et transformés en parc à touriste sans aucune vie locale – et, au bout du compte, une ville qui se meurt.
Les municipalités ont réagi, en mettant sur pied des régulations variées, adaptées à la spécificité de la ville – parmi les plus restrictives se trouvent Barcelone, Berlin, Amsterdam, Paris… Mais, à chaque fois, le même manège se produit : Airbnb ne fait rien pour aider les municipalités à appliquer ces lois, et laisse en ligne des annonces ou des loueurs manifestement hors-la-loi.
« Airbnb cherche par tous les moyens à mettre à mal les outils de régulation », constate Ian Brossat (PCF), adjoint au Logement de la maire de Paris – où Airbnb refuse de retirer du site les annonces n’ayant pas de numéro d’enregistrement, pourtant devenu obligatoire.
De même à Berlin : « Il est difficile pour la ville de repérer les appartements illégalement loués, parce qu’Airbnb ne coopère pas du tout. Airbnb ne fournit aucune information sur les loueurs aux services de la ville » souligne l’élue municipale berlinoise Katalin Gennburg, du parti de gauche Die Linke. Ainsi, une loueuse propose 28 appartements à la location à Berlin sur Airbnb, dont la majorité pour des durées dépassant largement la réglementation. Et quand une mairie demande à la plateforme de lui communiquer les coordonnées de ces hôtes hors-la-loi, Airbnb refuse et attaque la mairie en justice !
Mais l’arme ultime dont dispose Airbnb est probablement son lobbying auprès de la Commission Européenne. Récemment, une passionnante étude de l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) révèle les deux directives européennes mises en place à la demande expresse de l’European Holiday Home Association (EHHA), l’organisation professionnelle du secteur du logement touristique chez les particuliers, dont Airbnb est l’un des principaux membres.
Ces deux directives inscrivent dans le droit européen une forme d’irresponsabilité des plateformes d’e-commerce et de location touristiques : elles ne sont pas tenues de vérifier que les annonces qu’elles diffusent sont légales et n’ont pas à être tenues responsables d’offres illégales. Mieux : les régulations mises en place par les villes doivent être « ni disproportionnées, ni discriminatoires ».
C’est probablement en vertu de ce dernier point qu’Airbnb a déposé plainte, devant la Commission Européenne, contre quatre villes, Paris, Berlin, Barcelone et Bruxelles – et les restrictions qu’elles ont mises en place. Et personne ne sait ce que contient cette plainte, pas même les villes concernées… Le risque, réel, est de voir la Commission annuler purement et simplement les législations difficilement mises en place par les quatre villes.
« Airbnb traite la question d’un point de vue exclusivement économique, alors qu’il s’agit d’une question urbaine, Les locations touristiques d’Airbnb modifient en profondeur les villes » conclue Katalin Gennburg.