En avril dernier, 800 professionnels du tourisme et de l’hôtellerie se sont rassemblés pour porter plainte contre Airbnb et autres plateformes du même type. La revendication est simple : davantage de transparence et d’équité pour une concurrence plus loyale. En attendant le verdict, Airbnb continue de prospérer et compte désormais plus de 60 000 logements à travers la capitale française. Avec des prix toujours plus alléchants au premier abord, les acteurs du tourisme n’ont plus qu’une seule carte à jouer : tout miser sur le service.
Si l’initiative originelle provient de la côte ouest californienne, c’est à Paris qu’Airbnb dénombre le plus de solutions d’hébergement. Les raisons du succès de l’application sont nombreuses, à commencer par la forte demande touristique présente au sein de la capitale. Chaque année, la ville accueille plus de 45 millions de touristes, sans pour autant disposer d’un nombre proportionnel de logements.
Grâce à Airbnb, tout le monde peut jouer à l’hôte aussi bien qu’à l’invité. Chacun pratique ses propres prix, et tous les types de logements sont acceptés. Du point de vue du touriste, il y a un penchant pour le « partage », la vie chez l’habitant pour se rapprocher de la culture locale qui donne envie. Cependant, lorsqu’on analyse la situation de prêt, force est de constater que cet idéal de vie en communauté n’est qu’une chimère.
Airbnb : tourisme communautaire ou capitaliste ?
Le concept du tourisme communautaire n’est pourtant pas récent. C’est à Casamance, au sud du Sénégal que sont apparues les premières formes de logement chez l’habitant, dans les années 1970. C’est « Avec l’ambition de développer une nouvelle forme de tourisme où la population rurale pourrait bénéficier directement de la présence de ses hôtes et ainsi minimiser l’exode rural des jeunes » peut-on lire sur le site d’Ecovoyageurs.
Que dire alors de la présence des hôtes parisiens une fois avoir laissé les clés à leurs invités ? Selon les chiffres compilés par « Inside Airbnb », 85,7% des logements loués sur la plateforme sont entièrement à la disposition du locataire (appartements ou maisons), donc sans cohabitation. Cela signifie que 44 767 logements à Paris ne favorisent en rien un rapprochement culturel. Dans une tribune publiée sur Le Nouvel Economiste, Marianne Oberlin déplore cette pratique, « Quand près de deux “hôtes” parisiens sur dix gèrent plusieurs annonces, il s’agit davantage d’une industrialisation rampante de cette activité que d’une quelconque économie du “partage” ou “collaborative”. »
Seuls 14,3% seraient de vraies chambres chez l’habitant
Source : Airdna
Si cette critique tient davantage d’un manque d’éthique professionnelle, elle ouvre la voie à d’autres formes de dérives. En 2016, L’Athop, L’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels dénonce la « pratique commerciale trompeuse » et demande « une équité avec ces plateformes, pour une saine concurrence, avec la garantie de la transparence pour le consommateur », expliquait Jean-Bernard Falco, directeur de l’Athop.
Le service comme point de différenciation
« Dès avril 2015, nous avons remarqué, comme tous les Parisiens, ces touristes qui allaient et venaient avec leurs valises, non plus dans les hôtels, mais dans les immeubles de résidences. Mais à qui se sont adressés ces touristes d’un nouveau genre quand ils devaient faire garder leurs bagages, commander un transport pour l’aéroport, voire trouver un serrurier quand ils se retrouvaient à la porte de leur appartement ? Très souvent, aux hôteliers ! » déclare Marianne Oberlin.
L’importance du service est d’autant plus flagrante lorsqu’on parle de déplacement professionnels. Ceux-ci représentaient 52,7% des déplacements vers Paris en 2016. Dans Challenges, le directeur d’Hôtel Reservation Service (HRS) France, le leader du voyage d’affaire, Emmanuel Ebray explique que « certaines sociétés sont hermétiques à ce concept, car cela pose des problèmes en matière de sécurité, de partage des lieux, d’hétérogénéité de l’offre et de réactivité ». La rigidité des horaires imposés par les hôtes en matière de check-in/check-out ou la possibilité d’y loger de grands groupes, ne permet pas d’y tenir des congrès.
Équité et transparence pour une concurrence saine
Certes, internet permet une accessibilité géographique nouvelle, mais elle ne devrait pas exister sans transparence, explique Marianne Oberlin. « Tous les clients n’ont pas nécessairement envie d’aller à l’hôtel. Beaucoup d’entre eux recherchent une expérience différente, une autre façon de découvrir la ville. Ces plateformes en ligne répondent donc à un besoin. »
Cependant, d’un point de vue légal, rien n’est mis en place pour standardiser le paysage touristique. Les hôteliers sont obligés de respecter une multitudes de règles fiscales et de sécurité auxquelles les hôtes Airbnb échappent. De la même façon, la taxe de séjour n’est obligatoire pour ces derniers que depuis le 1er octobre 2015, « Mais ces plateformes en ligne doivent aller plus loin. » poursuit Marianne Oberlin.
Les formules hôtelières classiques peuvent très bien ne pas correspondre à toutes les envies. Pour la plupart des acteurs du tourisme, le problème ne se situe pas dans l’offre, car, détaille Marianne Oberlin, si ces alternatives existent, c’est qu’elles « répondent à un besoin ». Ce type de logement a même poussé les hôteliers traditionnels à se réinventer pour ne pas passer à côté de cibles potentielles. Les bénéfices existent bel et bien, mais pour que la collaboration soit efficace, il faut responsabiliser tous les acteurs en présence.