Dans une tribune pour Le Monde, l’économiste Mehdi Farajallah expose comment l’algorithme de mise en avant des locations Airbnb favorise les professionnels au détriment des loueurs occasionnels.
Une plateforme collaborative, permettant aux habitants d’une ville d’arrondir leurs fins de mois pour continuer à vivre en centre-ville ? Telle est l’image que voudrait donner Airbnb. La réalité est bien différente. L’objectif d’Airbnb est qu’un maximum de locations soient conclues, en un minimum de temps, pour encaisser un maximum de commissions. Ce qui explique que la plateforme soit peu regardante avec les locations qui enfreignent les lois, dès lors qu’une menace de sanction ne pèse pas sur elle.
Cela explique aussi que son algorithme de mise en avant des résultats de recherche favorise, de fait, les professionnels. C’est le résultat de l’étude de Mehdi Farajallah. Il rappelle que la plupart des voyageurs, quant ils cherchent un logement, le choisissent dans la première page de résultat. Une annonce, pour avoir des chances d’être louée, doit donc apparaître sur cette première page : « Les hôtes qui traînent, hésitent, refusent parfois des candidats à la location, sombrent dans les profondeurs du classement. Ceux qui répondent instantanément sont désormais privilégiés de manière assumée. Une évolution qui favorise les professionnels, très disponibles et acceptant de louer à des gens dont ils savent peu de choses, mais qui pénalise les hôtes ponctuels soucieux d’être sécurisés par plusieurs échanges avant de remettre à quelqu’un les clefs de leur maison », expose l’économiste.
« L’algorithme d’Airbnb tient compte de nombreux autres facteurs. Les logements dont les taux de remplissage ont été élevés dans le passé sont mis en avant. (…) Les « superhosts », qui louent très souvent un bien, sont réactifs et bien notés, ont les honneurs de la première page, etc., ce qui contribue à les aider à trouver de nouveaux clients », complète Mehdi Farajallah.
L’économiste pointe également un facteur souvent sous-estimé : les locataires se fient souvent à l’apparence de l’hôte. Pour louer plus souvent et plus cher, mieux vaut être une jeune femme blanche, qui inspire en moyenne plus conscience. Des biais qui peuvent virer clairement à la discrimination, et qui ne semblent pas gêner Airbnb : « les appartements new-yorkais mis à la location par des Afro-américains étaient en moyenne 12 % moins chers que des logements similaires proposés par des Blancs. La discrimination agit dans le monde numérique comme dans le « vrai » monde ! », conclue Mehdi Farajallah.